Pour la seconde fois sur notre blog après une conductrice (Vanessa, à lire ici pour la 1ère partie et ici pour la seconde), je me suis longuement entretenue avec deux agents à partir de vos questions que nous avions compilées ici-même.
Cette fois, il s’agit même de deux collègues : Aurélie, qui est elle-même « Agent du Service Commercial Train » (c’est-à-dire « contrôleur » comme on dit communément), et Nicolas, un « Responsable Equipe Trains » (c’est-à-dire responsable d’une équipe de contrôleurs). Ils travaillent sur notre axe Château-Thierry / Milon / Paris / Meaux) sur la ligne P mais leurs réponses valent aussi pour la ligne du RER E !
Ils ont accepté de répondre à toutes les questions, sans éviter celles qui fâchent, comme vous allez le voir !
Comment sont planifiées les missions des contrôleurs au quotidien, peuvent-elles changer au cours de la journée ? Est-ce qu’il y a des règles établies ?
Nicolas : Il y a environ 100 contrôleurs sur la région de Paris Est (ligne P et RER E). Donc en moyenne 25 équipes de 4 contrôleurs sur différents axes mais elles ne tournent pas en même temps.
Le planning est déterminé par le responsable des équipes de contrôle en fonction de l’axe dont il a la charge.
Les contrôleurs travaillent soit de matinée, soit de soirée y compris les week-ends et les jours fériés. Leur planning est établi mensuellement mais il n’est jamais identique d’un mois à l’autre.
Il y a effectivement des opérations de contrôles préétablies pour le mois c’est à dire que nous savons à l’avance que nous allons contrôler tel train où faire une opération de contrôle dans telle gare. Mais s’il y a une importante situation perturbée, par exemple, le programme peut changer.
Donc on sait à l’avance quels trains vous allez contrôler ?
Nicolas : Non ! Heureusement d’ailleurs… En fait, il y a à peu près 6 contrôles programmés dans des gares ou à bord des trains, mais tous les autres contrôles sont aléatoires.
Dans la mesure du possible, nous essayons cependant de programmer la journée de contrôle sur un même axe (Paris/Meaux/Château Thierry par exemple) mais notre objectif annuel est de couvrir plusieurs axes et de contrôler un maximum de trains. Evidemment on ne peut pas contrôler tous les trains. Au même titre qu’il n’est pas toujours possible de contrôler l’ensemble du train. Parfois il arrive qu’on ne puisse faire qu’une rame.
En revanche, on connaît les trains identifiés par la fraude récurrente et ils sont plus souvent contrôlés, pour dissuader. L’objectif reste quand même de contrôler un maximum d’axes et de trains.
Depuis septembre 2015 est l’arrivée du pass toutes zones, nous adaptons nos méthodes de travail. C’est pourquoi, en fonction de l’affluence, nous sommes plus présents en pointe de matinée ou de soirée en « statique » dans les gares.
« Les bus dépendent d’entreprises prestataires sur lesquelles nous n’avons pas la main. Les clients, ce n’est pas leur problème, il y a des bus, on est là : ils se plaignent à nous, c’est normal »
Vos missions ne consistent qu’à faire du contrôle ?
Nicolas : Non, nous sommes également au service des voyageurs, au sens large. Par exemple lors d’une perturbation, l’équipe de contrôleurs va stopper le contrôle et se mettre à disposition pour informer, que ce soit en gare ou à bord des trains. Les gestes métier des contrôleurs sont d’ailleurs organisés de manière à pouvoir réagir au plus vite, dans cette situation.
On travaille d’ailleurs en étroite collaboration avec les agents d’accueil en gare, parce que l’on peut être mobilisé pour les assister en fonction des besoins. L’avantage, aujourd’hui, c’est qu’il n’y a plus de distinction dans la tenue entre nous et les agents d’une gare, donc on peut grossir les rangs des agents d’accueil et d’information lorsque c’est nécessaire.
Aurélie : Nous sommes aussi en renfort lorsqu’il y a des travaux sur la ligne avec des bus de substitution, pour orienter les voyageurs. D’ailleurs c’est dans ces cas là que c’est le plus « tendu » : souvent on est pris à partie par les clients parce que les bus sont en retard ou qu’il n’y en a pas assez. C’est compliqué parce que les bus dépendent d’entreprises prestataires sur lesquelles nous n’avons pas toujours la main. Les clients, ce n’est pas leur problème, il y a des bus, on est là : ils se plaignent à nous, c’est normal. Bref, en dehors d’informer et orienter au mieux, notre capacité d’intervention est donc limitée sur le moment. En revanche on remonte ensuite les dysfonctionnements pour que cela soit abordé avec le prestataire.
Nicolas : Il y a quand même des choses qui avancent de ce côté-là : désormais les bus sont géo-localisés, ce qui permet une meilleure réactivité. Ça devrait vraiment nous aider pour renseigner les voyageurs, et de manière générale pour que le passage par des bus de substitution se fasse plus sereinement pour tout le monde.
« Depuis l’arrivée du Pass Navigo unique à 70€, il n’y a plus de fraudeurs calculateurs »
Depuis l’abaissement du tarif Navigo, la prestation est de pire en pire ! Nous avons vraiment le sentiment que vous ne faites rien pour empêcher la fraude !
Aurélie : Le problème c’est que si un client ne nous a pas vu une seule fois dans son train sur une période donnée, il a le sentiment que nous ne sommes jamais là. Pourtant nous sommes forcément en train de contrôler d’autres trains ou en gare…
Nicolas : Au dernier semestre 2015 nous avons effectué des contrôles systématiquement en extrême soirée jusqu’à minuit minimum, d’ailleurs beaucoup de clients sont venus nous voir pour nous dire : « merci, c’est bien de vous voir aussi sur ces trains-là ».
On ne peut pas dire objectivement que l’on ne fait rien pour empêcher la fraude : les taux de fraude n’ont jamais été aussi bas. En 2010, nous avons instauré un nouveau concept, avec un positionnement de contrôleurs en prise et en fin de service à Meaux. Celui-ci a permis de faire baisser le taux de fraude de 16% à 6% dans cette gare et sur la ligne, en sachant que la moyenne Nationale pour l’ensemble des lignes Transilien est de 8,5%.
Aurélie : Par ailleurs depuis l’arrivée du Pass Navigo unique au tarif de 70€, il n’y a plus de « fraudeur calculateur ». Auparavant celui-ci préférait payer une fois un PV, plutôt que de payer tous les mois un abonnement. Aujourd’hui une transaction immédiate à bord s’élève à 50€ et comme nous sommes régulièrement présents c’est plus « raisonnable » de s’acquitter du montant du Pass.
« Nous avons instauré un nouveau concept sur le secteur de Meaux. Le résultat du taux de fraude est passé de 16% à 6% aujourd’hui »
Oui mais beaucoup de voyageurs ne sont pas satisfaits du service rendu, donc par réaction ils ne veulent plus payer ! et d’autres en ont assez de payer pour tous ceux qui ne payent pas !
Aurélie : Oui ça arrive de tomber sur ce genre de réactions. C’est légitime et je le comprends, quand il y a des problèmes sur la ligne. Mais nous faisons notre métier et nous devons vérifier les titres de transport du 1er au dernier jour du mois…
Nicolas : Il faut aussi prendre le problème à l’envers. Si les clients ne payent pas, nous ne pourrons avoir un service acceptable.
Pourquoi vous ne contrôlez jamais les trains bondés ?
Nicolas : C’est vrai, ce n’est pas du tout envisageable de faire des contrôles à bord pour ces trains-là. C’est juste matériellement impraticable. Mais dans ces cas-là, des contrôles à la gare d’arrivée sont réalisés. Cela dit, ce ne sont pas ces trains de pointe où il y le taux de fraude le plus important. D’ailleurs ça rejoint la question précédente, on cible un peu plus certains trains.
Pourquoi vous verbalisez les gens qui ont oublié de recharger leur Pass Navigo en début de mois ? Ça peut arriver !
Aurélie : Parce que c’est la règle ! On ne peut pas connaître le contexte pour tout le monde, faire des différences etc. D’ailleurs, on le ferait comment sinon ? A la tête du client ?… Il faut qu’il y ait tout de même une constance. Chacun sait à quoi s’attendre : si on contrôle quelqu’un qui n’a pas de titre de transport valide, on doit verbaliser. C’est comme au supermarché : même en début de mois, on paie quand même !
Nicolas : Je dirais même qu’aujourd’hui de nombreuses communications sont effectuées à ce sujet, quant aux mesures qui facilitent le rechargement : on peut recharger son Pass Navigo à partir du 20 du mois au guichet ou sur les automates de vente. On peut aussi le faire depuis chez soi à l’aide d’un lecteur spécifique. Bien sûr qu’on peut oublier de recharger, ça arrive, mais disons qu’avec les moyens existants, on ne pousse pas les gens à la faute non plus.
Vous n’avez jamais de compassion, certaines personnes sont dans de réelles difficultés financière ?
Aurélie : Si bien sûr, quand on fait ce métier croyez-moi, on est bien au fait de cette réalité. D’ailleurs c’est aussi ce qui rend notre mission difficile. On a parfois des grands moments de solitude face à la détresse de certaines personnes. Malgré tout ça, nous devons être équitables aussi. Les gens ne comprendraient pas non plus de nous voir laisser repartir des voyageurs qui fraudent sans rien dire. Je n’ai pas de « bonne » réponse là-dessus, on fait au mieux. Ça dépasse un peu notre fonction aussi.
Et comment ça se passe lorsque la gare est fermée et que le client n’a pas pu acheter un billet ? Est-ce que vous allez le verbaliser, ce serait franchement injuste !
Aurélie : Non bien sûr, si nous sommes prévenus de cette fermeture, on en tient compte. Le problème, c’est quand nous n’avons pas ou plutôt pas encore l’info et qu’on tombe sur des voyageurs qui mentionnent cette raison-là. En général, on laisse alors le bénéfice du doute au client plutôt que de risquer cette injustice.
« Nous ne sommes pas officiers de police judiciaire. Seule la police peut faire un contrôle d’identité »
Comment ça se passe pour les clients multirécidivistes, les PV impayés ? ils sont envoyés au service « contentieux », puis ils sont convoqués au tribunal ?
Nicolas : Actuellement un fraudeur doit avoir 10 PV sur un an pour la même infraction de « défaut de titre de transport » avant d’être convoqué au tribunal…
La loi Savary, va faire évoluer la règle: les resquilleurs multirécidivistes seront sanctionnés plus rapidement. Le « délit de fraude par habitude », passible de six mois de prison et 7 500 € d’amende, sera désormais constitué à partir de cinq infractions sur un an au lieu de dix.
Pour lire la suite de cet entretien, je vous donne rendez-vous dès la semaine prochaine sur le blog 🙂
En attendant, n’hésitez pas à me faire part de vos questions ou de vos remarques!
Merci Laeticia ,
Mais ce que j’attend fortement c’est la suite pour le recouvrements des PV.
Encore attendre … 🙂
Rassurez-vous l’attente sera de courte durée, l’article paraîtra en tout début de semaine prochaine:)
Comment circulent les R E R E le lundi 4 juillet, je ne réussis pas à trouver les horaires …
Pouvez-vous m’adresser en P J les horaires Chelles Gournay / Saint Lazare, pour le 4, s’il vous plaît ?
Remerciements anticipés .
D.Baills
Bonjour @Baills Danielle, vers quelle heure souhaitez vous partir, et si il y a un retour vers quelle heure également? Merci
J’ai une question à poser: les contrôleurs sont ils autorisés à effectuer des contrôles un jour de grève.
Une remarque: je ne trouve pas que le tenu des contrôleurs et celle des agents en gare sont identiques, quelle est la différence?
Comme les contrôleurs sont souvent accompagnés de la SUGE, ça doit être plus simple pour eux de vérifier les identités des fraudeurs et ainsi de s’assurer du m’aiment de l’amende non?
Merci pour cet article
bonne question. J’ai vu il y a quelques années, sur Fontenay sous bois, des contrôleurs se faire « siffler » par des usagers excédés par des retards et des grêves, et finalement « laisser tomber ». Tant pour les usagers que pour les contrôleurs il me semble qu’un peu de compréhension serait dans la logique.
Bonjour,
Depuis l’apparition de la nouvelle tenue (c’est à dire fin 2014/début 2015) les tenues des agents en gare (Escale, Commercial…) et des agents à bord des trains ASCT sont identiques, avant il y avait bien deux tenues distinctes.
La seule différence c’est le liseré rouge sur les casquettes des agents des gares
Les contrôleurs l’ont aussi, les casquettes sont les mêmes.
Autant pour moi, seul le badge est différent alors
Merci pour vos réponses 🙂
j’aimerai quant même savoir si des instructions de modération sont données aux contrôleurs lors de grêves sévères ou arrêt, pour des causes diverses, de la circulation des trains
Ce point est abordé dans le paragraphe « Vos missions ne consistent qu’à faire du contrôle ? » En cas de grève ou de perturbations ils sont déployés pour prendre en charge les clients informer et orienter.
Les consignes de ne pas contrôler telles ou telles lignes se font lors du briefing à la prise de service.
Lors de la fin de la greve, il m’est arriver de croiser des équipes de contrôle dans les trains pour faire de la présence humaine. Cela a au moins le mérite de faire cesser la mendicité le temps de leur présence.
Mais maintenant les controles ont repris, il y a déjà eu des bouclages gares depuis les greves, au moins sur d’autres lignes.
Selon certains conducteurs de la ligne, les contrôleurs auraient la consigne de ne pas contrôler les groupes dans les trains pour ne pas « prendre de risque » est-ce exact ?
Bonjour @Gab77680, je vous confirme que les contrôleurs sont autorisés à effectuer des contrôles un jour de grève. Néanmoins dans la majorité des cas ils sont déployés pour informer et renseigner les voyageurs.
Concernant la tenue, le choix a été fait de faire la même tenue pour tous, contrôleurs, agents commerciaux car ils sont tous au service des voyageurs et identifiables comme tel en gare pour vous renseigner.
Par ailleurs effectivement, lorsque les contrôleurs sont accompagnés de la SUGE (en particulier lors des contrôles en gare ) c’est forcément plus dissuasif et les contrôles d’identité sont facilités.
@jéré/ Qu’ils soient déployés pour prendre en charge les clients, informer, orienter, ne me renseigne pas sur le fait qu’ils peuvent contrôler et faire payer une amende. Il y a quelques années cela se faisait (assez lointain mais cela se faisait)
Comme dit plus haut, lors des périodes fortement sur perturbées, les controles cessent temporairement
– pour permettre aux agents d’informer et orienter les voyageurs
– ne pas mettre de l’huile sur le feu.
Par contre ils peuvent très bien verbaliser les traversées de voies par ex
@z20900/ Reste à savoir quelles sont les périodes fortement ou non fortement perturbées et selon quels critère on considère la question. Vous parlez d’ailleurs de périodes « fortement SUR perturbées », ce qui
semble vouloir dire qu’en période perturbée ou fortement perturbée les contrôles sont possibles. Avouez que pour l’usager ce n’eSt pas très clair. Je pose la question car j’ai assisté il y a plus d’une dizaine d’années, à Fontenay sous bois pour être précis, à des contrôles hués, insultés et siffés par la majorité des usagers (ils se sont d’ailleurs « tirés ») alors que QUELQUES trains reprenaient le trafic après de longues grêves.
Le « sur » est une coquille, une fois posté le message ne peut être modifié.
S’il y a un train de supprimé en général le suivant ne sera pas contrôlé, ou si vous avez une interruption de trafic pour un accident de personne ou une caténaire arraché également.
Il n’y a pas pas de critères précis, cela peut dépendre de consignes locales, ou d’une decision du responsable d’équipe au briefing à la prise de service.
J’ai déjà assisté à des levés de controles, que ce soit à la ratp, la a la SNCF chez transilien ou tgv, pour des motifs différents.
Il m’a fallu ce billet pour croire enfin en l’existence de contrôleurs sur la ligne E. Je n’en ai jamais vu en plusieurs années que ce soit en gare ou en rame.
Je comprends que Nicolas et Aurélien (et leurs collègues si toutefois ils existent) préfèrent verbaliser les usagers solvables qui ont oublié de valider/recharger leur Navigo que la racaille qui enjambe les portiques.
Et contrôler de préférence les rames non bondées.
Et de préférence en dehors des périodes de grève.
Et de préférence en dehors des heures de pointe.
Et surtout lorsqu’il n’y a pas de problème.
Et lorsqu’il y a un problème, ce n’est pas vous, c’est le prestataire.
Culture de la déresponsabilisation.
Cet article est une fois de plus lénifiant et montre que le contrôle, tel qu’il est organisé aujourd’hui est inefficace, biaisé et coûteux (oui, je me retiens).